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Pour l’éco, 14 novembre 2023
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Faut-il vraiment avoir peur des classes prépas ?
À la rentrée 2022, 81 200 étudiants étaient inscrits en classe prépa, un chiffre en baisse de 2,6 % par rapport à la rentrée précédente. Les CPGE ont pourtant des atouts qui gagnent à être connus.
Louis et Lina, 18 et 19 ans, ne se connaissent pas, ne vivent pas dans la même ville, mais ils ont un point commun : tous les deux sont étudiants en classe prépa. Et pourtant, à l’heure de remplir leurs vœux sur Parcoursup ils étaient tous les deux persuadés que la prépa, « ça n’était pas pour eux ». « Au début de ma terminale je visais plutôt une licence d’histoire », se souvient Louis, aujourd’hui en hypokhâgne (première année de CPGE littéraire), au lycée Claude Monet, au Havre. « Moi, j’avais peur de perdre pied en prépa », sourit Lina, en deuxième année de prépa ECG (commerce), au lycée Alfred Kastler, à Cergy-Pontoise.
C’est un fait, la prépa fait peur. Trop de travail, trop de pression, trop de compétition, trop de complications, croient savoir les futurs étudiants. Et puis la perspective de retourner dans un lycée, alors qu’on vient juste de quitter son statut de lycéen, peut rebuter.
Tremplin de qualité
Pourtant, les classes prépas ont des atouts, avec 3 filières au choix (scientifiques, littéraires, commerciales), et 2 années pour préparer les concours d’entrée dans les grandes écoles – écoles d’ingénieurs pour les prépas scientifiques, écoles de commerce pour les prépas commerciales, écoles spécialisées en art, traduction, communication, IEP, ou l’une des Écoles nationales supérieures (ENS), pour les prépas littéraires.
Autre avantage, mis à part ceux d’entre eux qui visent les ENS, très sélectives, « les étudiants qui réussissent leurs deux années de prépa ont l’assurance de décrocher une place dans une grande école reconnue à l’issue des concours » explique Bruno Magliulo, Inspecteur honoraire de l’Éducation nationale, et auteur de guides d’orientation (1).
À défaut, ceux qui renoncent en cours de prépa, ou après les concours, ont la possibilité d’intégrer une deuxième ou une troisième année de licence, puisqu’ils et elles doivent s’inscrire en parallèle à l’université à l’entrée en CPGE.
« La prépa, c’est zéro prise de risque, résume Fabienne Lepage, qui enseigne au sein de la prépa ECG (économique et commerciale générale) du lycée Rabelais, à Saint-Brieuc. Chaque année je fais le tour des lycées de Bretagne pour vanter notre prépa de proximité aux lycéens, ajoute la professeure, et j’avoue que ça me désespère de les voir préférer s’inscrire dans des écoles privées post-bac très chères, alors que la prépa ne coûte rien, et leur garantit à la sortie une place dans une école reconnue. De plus, nous aussi, comme les écoles de commerce, nous avons un BDE (bureau des élèves), des soirées d’intégration, et de très beaux sweats ! Et à tout ça nous ajoutons l’ouverture apportée par une formation généraliste, et un suivi très personnalisé des élèves ».
« Il y a prépa et prépa »
Et malgré tout, des lycéens, comme Louis et Lina, hésitent à s’embarquer en CPGE, « leur image reste très élitiste, souligne Louis, et même avec mon 15/16 de moyenne en terminale je pensais que je n’y avais pas ma place ».
De fait, il y a prépa et prépa, comme en atteste Bruno Magliulo : « D’un côté les prépas prestigieuses, très sélectives, qui visent presque exclusivement les plus grandes écoles comme HEC, et de l’autre, les prépas de proximité, avec moins de prétention, mais plus de réussite, pour des élèves moins favorisés ». Et de souligner qu’il ne faut pas faire de raccourci : on peut décrocher une très bonne grande école en sortant d’une prépa de proximité – mais les prépas élitistes réussissent à y placer plus d’étudiants.
Dit autrement, c’est « deux salles, deux ambiances » : les prépas de proximité sont plus familiales que les prépas les mieux classées, et recrutent des élèves qui ne sont pas tous des premiers de la classe – à Saint-Brieuc, par exemple, les dossiers sont regardés dès lors que le lycéen ou la lycéenne a au moins 12 de moyenne générale.
De même, les CPGE ne sont pas des repaires de « fils et filles à Papa » : à Saint-Brieuc toujours, 50 % des élèves sont boursiers, souvent de la région, qui apprécient de ne pas avoir à partir à l’autre bout de la France pour entamer leurs études supérieures.
Tout comme Louis qui, havrais, ne se voyait pas partir de chez lui après le bac. « Je n’avais pas la maturité pour me retrouver seul à tout gérer, le ménage, les repas… Sur les conseils de l’une de mes profs, j’ai donc suivi un stage d’observation d’une journée en classe prépa dans mon lycée, en mars de mon année de terminale, avant les inscriptions sur Parcoursup. J’ai trouvé la journée fatigante, avec des cours de 9h à 19h, mais j’ai bien aimé la relation entre les étudiants et les professeurs ».
Un rythme exigeant, mais pas insurmontable
De fait, deux mois après sa rentrée en CPGE, Louis est ravi de son choix : « On a repris les bases de la terminale le premier mois, puis nous sommes entrés dans le dur, on sent bien le gap entre le lycée et la classe prépa ! Mais l’ambiance est bonne et on se serre les coudes ».
Tout comme Louis, Lina est ravie d’avoir intégré une classe prépa. En deuxième année, elle dit aimer toutes les matières proposées dans sa prépa ECG, et avoir trouvé son rythme : « Pourtant je ne suis pas très organisée ! J’avais des facilités au lycée, je n’y ai jamais beaucoup travaillé. Mes premières notes en prépa ont donc été une catastrophe, j’avais zéro discipline, j’ai mal vécu cette descente… D’ailleurs ça ne marche pas pour tout le monde, ma meilleure amie par exemple n’a pas accroché, et elle est partie en fac. Mais dans mon cas, ça s’est bien passé, les professeurs sont motivants, vigilants mais pas du tout dénigrants, et dès le second semestre, j’avais repris 3 à 4 points sur ma moyenne ».
Enfin, la jeune fille, qui se dit « intéressée par tout », apprécie un dernier atout des prépas : la possibilité de se donner 2 ans pour réfléchir à son orientation et à ce qu’on veut faire « après ». Le luxe.
1. “Les classes préparatoires aux grandes écoles”, chez Fabert, à paraître en janvier 2024
Cet article fait partie de notre série : Dans la jungle de l’orientation, que vous retrouverez tout au long de l’année, pour vous guider dans les méandres de l’enseignement supérieur français.